lundi 4 mai 2009

Article de Benoit sur TAHITI PRESS


(Tahitipresse) - Avril 2009 fera date pour les gays et lesbiennes de Tahiti : la Polynésie française vient de faire connaissance avec sa communauté homosexuelle. Pour la première fois dans le pays, une soirée gay a été organisée hier. Et pour la première fois, une association est née pour la défense de la cause homosexuelle. C'est une croisière gay, organisée dans les eaux polynésiennes par un tour opérateur américain, qui a déclenché le mouvement. Jusqu'à présent cachée, l'homosexualité a été affichée et revendiquée ce week-end. En vérité, si ce mouvement a pu être enclenché, c'est parce que le pays y a trouvé un intérêt économique.


Trois cents touristes gays aux portefeuilles bien garnis ont atterri le 25 avril à l'aéroport de Tahiti pour participer à une croisière sur le navire Paul-Gauguin pendant une semaine. " Ce sont des touristes du monde entier, d'Australie, du Mexique, de Nouvelle-Zélande, de France, de Norvège, etc. Et ce sont des gens qui ont un niveau de vie élevé. Donc il fallait les accueillir convenablement. Je connais un couple d'amis canadiens à bord du bateau. Ils m'ont demandé s'il y avait un endroit pour les gays à Tahiti ", raconte Arnaud Anjou, créateur de mode à Tahiti qui a vite compris qu'il y avait là une opportunité à saisir. Il s'est donc transformé en organisateur d'événements gays. Plus de quatre cent personnes étaient présentes à la première Rainbow Night, vendredi soir 1er mai au Be Angel, une boîte de nuit de Papeete.
Arnaud Anjou annonce déjà l'arrivée d'une autre croisière gay dans les mois à venir. " Je veux que Tahiti devienne une destination gay friendly ", clame-t-il. Une niche touristique qui sera sacrément bienvenue, alors que le nombre de touristes en Polynésie française ne cesse de diminuer depuis fin 2008.

Le poids de la religion

Le passage de ces trois cents homos friqués a aussi ouvert à Tahiti une brèche dans les mentalités, qui pourrait " déclencher un mouvement vers plus d'ouverture d'esprit ", espère Dolorès Dogba, la présidente de Cousins-Cousines. Cette association qui vient tout juste de naître veut défendre les droits des homosexuels, des transsexuels et des bisexuels et lutter en Polynésie française contre l'homophobie, le Sida et les MST.
Il faut bien le dire, il n'est pas facile d'avouer son homosexualité en Polynésie française. " Quand des amis homosexuels arrivent à Tahiti tout feu tout flamme, je leur dis : passez cinq ans à Tahiti et on en reparle ", raconte Sabine Lorillou, trésorière de Cousins-Cousines. " Le poids de la religion est très important. Tahiti, c'est petit et tout se sait. Alors les homosexuels préfèrent souvent rester discrets ", explique Dolorès Dogba.

Une ligne verte pour les homosexuels en difficulté

Depuis un mois, la presse locale s'est emparée du sujet et l'association a été mise au jour. " Nous avons reçu deux appels de gens qui n'avaient jamais osé avouer leur homosexualité ", souligne Sabine Lorillou. Cousins-Cousines veut mettre en place une ligne verte à Tahiti pour " apporter un soutien, une écoute, un conseil à des personnes en demande, familles, amis, bisexuels, transsexuels, et aux homosexuels en difficultés morales ". (1) Pour récolter des fonds, une soirée gay friendly (où hétéros et homos seront autant les bienvenus) sera organisée le 5 juin prochain à Papeete.

Toujours impossible d'enregistrer un Pacs

Dans un avenir plus lointain, Cousins-Cousines aimerait constituer un pôle de juristes pour défendre par exemple l'application du pacte civile de solidarité en Polynésie française. " Dix ans après sa création, il est toujours impossible d'enregistrer un Pacs en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna ", ont rappelé en mars dernier l'association des juristes de Polynésie française et l'association féministe Vahine Orama.

Quant à Arnaud Anjou, il aimerait continuer d'organiser des événements gays, notamment au mois de juillet prochain " si une boîte de nuit de Papeete est d'accord pour organiser une soirée festive ", dit-il en ajoutant, un brin provocateur : " Je n'en suis pas encore à dire qu'il faut faire une gay pride à Tahiti. Quoique, ce serait pas mal... "


BB